DISPOSITIONS PARTICULIERES POUR LE PERSONNEL DES GARES ANNEXEES AU TROISIEME REICH.
Le texte qui suit, qui est le résumé d'un rapport confidentiel de la SNCB datant de 1945, n'est pas à proprement parler dans le propos de ce livre, mais concerne néanmoins le chemin de fer de la région de l'Est. C'est pourquoi, il nous a semblé intéressant de l'insérer pour compléter un point d'Histoire de la période trouble 40-45.
Avant toute chose, il faut connaître les termes «ancien-belge» et «néo-belge»:
Au 10 mai l940, les Allemands prennent possession des installations ferroviaires belges. L'occupation est assurée par des militaires de la Wehrmacht et des agents de la Reichsbahn (DR), choisis parmi ceux résidant à proximité de la frontière, et donc connaissant la région.
Devant la tâche qui l'attend, la DR recourt bientôt à la main d'oeuvre disponible sur place, c'est à dire le personnel SNCB.
Etant donné le repli des agents «anciens belges», elle ne dispose que du personnel «néo-belge»
(depuis le décret d'Adolf Hitler du 18 mai) pour l'aider à exploiter ses installations.
D'ailleurs, ce personnel, à de rares exceptions, est demeuré sur place!
Certains agents restent en service sans la moindre interruption, tel ce chef de station, qui, après avoir salué son inspecteur qui se replie, est le premier à accueillir sur le quai de sa gare, et en tenue de service belge, les militaires allemands arrivant en draisine...
La réduction de l'exploitation aux stricts besoins militaires (suppression des HKV et HKM réguliers) permet d'abord à la DR de se passer d'une bonne part des agents; mais cette situation n'est que momentanée, et le trafic s'intensifie à nouveau, exigeant bientôt une main d'oeuvre accrue.
C'est à ce moment que la reprise massive du personnel s'effectue, et que la politique entre en action.
Les cheminots «néo-belges» sont repris sans difficultés, et placés aux meilleurs postes.
Leur avancement est facilité par des épreuves faciles; bref, le certificat de civisme allemand délivré
par le parti leur procure de multiples avantages.
C'est la récompense de leur trahison envers la Belgique.
Les «pro-belges» subissent un traitement opposé.
Ils ne sont pas repris, ou s'ils le sont, c'est pour occuper des fonctions subalternes, ou désagréables!
Par son ordonnance du 18 mai 1940, le Führer a donc ordonné le rattachement au Reich des territoires d'Eupen, Malmédy et Moresnet.
Les habitants des 10 communes concernées restent provisoirement étrangers
(ce dont ils ne sont pas prévenus), pour devenir par la suite allemands «auf Widerruf» (allemands révocables !).
Tout le personnel «néo-belge» des chemins de fer doit prêter serment pour être admis ou
maintenu à la DR.
La prestation de serment se fait devant le chef immédiat pour les ouvriers, tandis que pour les fonctionnaires, elle se fait par un certain apparat au siège de la Direction Régionale de la Reichsbahn, à Aix-la-Chapelle.
Lorsque la Wehrmacht s'empare des installations ferrées belges situées sur le territoire des 10 communes concernées par la réincorporation (Welkenraedt, Montzen, Moresnet, Gemmenich, Hombourg, Sippenaeken, Baelen, Membach, Beho, Henri-Chapelle) du 10 mai 1940, les cheminots belges reconnaissent avec surprise, parmi le personnel de la DR, des agents qui effectuaient avant guerre différents services dans les gares de Montzen et Herbesthal, ce qui établit la préméditation de l'attaque.
L'exploitation des chemins de fer reprend le 15 juillet 1940. Les demandes d'«émigration» des cheminots des 10 communes annexées affluent de toutes parts. La date du 30 septembre est fixée par les Allemands comme ultime délai. Une demande d'émigration est assortie de démarches interminables, faites de files d'attente de plusieurs heures et de longs interrogatoires sur les raisons de l'émigration.
Tous ces écueils administratifs ont raison des cheminots ouvriers, qui connaissent un plus mauvais sort que les employés... Finalement, bon nombre se présentent à la DR pour reprendre du service. Ils y seront «encouragés» par une mise en demeure en date du 23 août, placardée dans les communes où passe la nouvelle frontière.
Le premier septembre, ceux qui n'ont pu se réfugier en zone non annexée, se
présentent à la DR pour y prendre service. Les deux grandes gares de Montzen et Herbesthal absorbent ce lot de
travailleurs «anciens» belges, ainsi que les ouvriers de La Calamine.
Ces deux centres resteront, durant l'occupation, les bastions de la résistance des cheminots belges contre l'emprise allemande.
La DR essayera toujours d'utiliser nos ouvriers dans les fonctions qu'ils occupaient auparavant, afin, semble-t-il, d'en obtenir le
meilleur rendement...
Ici, l'Etat allemand reconnaît deux catégories de citoyens:
le «Reichsdeutsche» (allemand de l'Empire) et
le «Volksdeutsche (allemand de souche).
La DR ne cesse de tergiverser sur la
nationalité de «anciens» et «néo» belges.
Les «néo-belges» seront considérés comme Volksdeutsche, et les «anciens» belges, des
«Deutschen auf Widerruf» mais tous devront prêter serment (Gelöbnis).
Après les moyens de persuasion, la DR emploiera de moyens de pression sur la personne «ancien» belge pour s'efforcer d'obtenir de leur part, la reconnaissance de leur nationalité allemande.
Dès 1940, les agents «néo-belges» sont de par leur fonction astreints au port de l'uniforme
de la DR.
Les «anciens belges», quant à eux en sont exclus, puisqu'ils sont recrutés en tant que temporaires.
Néanmoins, un grand nombre le porteront, à la demande de certains chefs, dans le but de ne faire aucune
distinction entre les «néo» et «anciens» belges, et ce jusqu'au 31 août 1942, date à laquelle ils seront
définitivement exemptés.
Un point important est à retenir: il était formellement interdit pour un «ancien» belge de
porter l'insigne de la souveraineté allemande, à savoir l'aigle à croix gammée. Seule, la prestation de
serment levait cette interdiction...